Origines de la société
Il est difficile aujourd’hui de se replonger dans l’ambiance des années 40.
Années de conflits qui se caractérisèrent pour notre pays par une réduction
du volume de nos importations et par là du ravitaillement alimentaire de
sa population. Afin de pouvoir réaliser le plan d’extension des cultures établi par le Prof. Wahlen, il fut nécessaire de consacrer à l’agriculture de vastes surfaces de terrains nouveaux. Cela ne fut possible qu’au travers d’importants travaux de défrichements, d’assainissements et de remaniements parcellaires exécutés rapidement et à grande échelle. Tout ceci exigea bien sûr d’énormes moyens financiers de la part des pouvoirs publics, mais également une forte implication des milieux concernés.
C’est dans ce contexte que naît en 1943 la « Société vaudoise d’étude
et d’encouragement des améliorations foncières », première du genre en Suisse. On l’aura compris, le fort développement indispensable des travaux
d’améliorations foncières nécessite d’informer, de montrer des réalisations exemplaires et de convaincre. Et c’est ce que va faire la Société vaudoise
des améliorations foncières, en organisant en particulier depuis 1944
(c’est le 27 mai 1944 à Yvorne qu’eut lieu l’Assemblée constitutive de la société)
ses célèbres « courses » qui permettront aux agriculteurs, viticulteurs, paysans de montagne, de voir concrètement les ouvrages sur le terrain, et ceci dans toutes les régions du canton, et même au-delà, et en se proposant d’étudier chaque année de manière approfondie un sujet (routes de montagne,
assainissement des plaines, viticulture, chalets, colonisations intérieures, etc.)
et de l’exposer à ses membres.
Yvorne – 1944
1ère assemblée générale de la
Société Vaudoise des Améliorations Foncières
L’évolution des améliorations foncières et du rôle de la SVAF
Début des années quarante, et grâce aux améliorations foncières, une production intensive du sol fut possible. De janvier 1941 à décembre 1946, 337 entreprises d’AF, en plaine et en montagne, ont été exécutées pour un coût d’environ 50 millions de francs. Elles ont permis l’assainissement de plus de 10’000 ha, le remaniement parcellaire de plus de 15’000 ha et le défrichement de 1422 ha, à quoi il faut ajouter plus de 50 entreprises de logements pour domestiques agricoles, de hangars ou d’assainissement d’étables. Le coût des travaux est alors de CHF 2’500.- l’hectare en moyenne, ce qui est le double du prix d’avant-guerre. L’objectif en 1947 est de ramener ce chiffre à CHF 1’500.-/ha, ce qui permettrait selon les projections de remanier 900 ha par an, et de porter ainsi à une soixantaine d’années le délai d’achèvement des remaniements dans le canton, par des entreprises dont la durée d’exécution serait de 4 à 5 ans.
Durant des années, les activités de la Société des AF seront étroitement liées à celles du Service des améliorations foncières. On peut à ce titre relever que le chef de ce dernier a constamment fait partie du Comité de la société, avec titre de vice-président, et qu’il est de fait le trait d’union de ces deux institutions.
Jusque dans les années 60 (3ème rapport sur la politique agricole), l’augmentation de la production reste un objectif d’actualité. Toutefois, en raison de l’augmentation des coûts et de la durée des procédures, des réflexions se font jour afin de simplifier les procédures, de raccourcir la durée des syndicats et d’économiser. De manière constante, la Société des AF accompagnera les grands changements liés aux AF (réunions parcellaires, travaux après réunion (TARP), évolution dans les techniques de construction des chemins agricoles et viticoles, remaniements obligatoires liés à la réalisation des grands travaux (EGT), en particulier des autoroutes), en renouant au cours des années 90 avec un de ses buts premiers, à savoir la transmission des connaissances techniques au travers de l’organisation de deux séminaires annuels.
Si la traditionnelle « course » qui accompagne l’Assemblée générale annuelle a toujours joué un rôle important pour les sociétaires, la nécessité de mieux informer les responsables en matière d’AF (bureaux techniques, commissaires de classification, membres des comités et autorités communales) s’impose au comité de la Société des AF. Ainsi, depuis 1996, ce ne sont pas moins de 40 séminaires qui ont été organisés sur de nombreux thèmes d’actualité qui vont de la politique agricole à l’entretien des ouvrages, en passant par la taxation des terrains à bâtir, la lutte contre l’érosion des sols, les projets de renaturation des cours d’eau et les remaniements de terrains à bâtir, ces deux derniers domaines gagnant aujourd’hui en importance.
Les améliorations foncières vaudoises : passé, présent et futur
Les grandes entreprises d’améliorations foncières (AF), principalement liées à des remaniements parcellaires, sont soit terminées, soit dans la dernière ligne droite en vue d’un bouclement. Ces dossiers, qui existent parfois depuis plusieurs décennies, sont traités prioritairement et simultanément avec des nouvelles demandes concernant tous les types d’entreprises d’améliorations structurelles, mettant bien en exergue le dynamisme de l’agriculture vaudoise.
Alors que la politique agricole fédérale amorce une nouvelle réforme « 2022+ », qui se cristallisera notamment sur la régionalisation des différents dispositifs, l’agriculture vaudoise devra se réadapter et exprimer tout son potentiel de résilience. La nouvelle logique qui prévaudra n’est pas encore connue dans le détail. Il est néanmoins nécessaire d’anticiper les changements à venir en définissant une stratégie claire au niveau de régions cohérentes. Cette stratégie aura pour objectif de créer les conditions cadres « précompétitives » pour le développement des filières agricoles. Les AF vont accompagner cette démarche en se basant sur quatre principes fondamentaux :
Régional
La production agricole sera au centre des développements régionaux avec des cultures orientées par le marché et des prestations non marchandes sollicitées par les citoyens. C’est au niveau régional que la complémentarité entre enjeux agricoles et nature sera définie. Le Canton de Vaud devrait compter 5 à 6 régions qui permettront de définir et planifier les infrastructures, au sens large du terme, de manière cohérente.
Economique
La valeur ajoutée de l’agriculture vaudoise doit être améliorée. Les AF peuvent soutenir des projets de constructions et d’infrastructures de l’espace rural. Le cofinancement prévu par les différentes bases légales permet d’orienter le développement des exploitations vers des systèmes de production visant à augmenter la valeur ajoutée de l’agriculture, en un mot vers des investissements supportables et rentables. Le virage de la régionalisation impliquera une stratégie coordonnée pour bénéficier pleinement des aides structurelles à l’échelon fédéral. Les projets AF individuels tels que les constructions agricoles devront eux aussi s’inscrire dans une logique régionale pour bénéficier d’un soutien financier.
Environnemental
Le rôle transversal des AF sera renforcé avec la régionalisation. Elles devront accompagner les projets et permettre une relation constructive entre les aspects liés à la production agricole et ceux liés aux infrastructures agro-écologiques. La régionalisation prendra forme via des organisations existantes. L’opposition entre agriculture productive et biodiversité est un débat qui n’aura plus raison d’être dans une génération. Au niveau climatique, l’exceptionnelle année 2018 pourrait devenir la norme d’ici à 2050. L’agriculture vaudoise a déjà commencé à s’adapter.
Sociétal
Après la production et l’écologie, les AF devront jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de projets touchant l’ensemble du spectre de la population vaudoise. Avec les améliorations foncières intégrales (AFI), il est possible de créer des synergies à tous les niveaux visés par les soutiens de type AF. Les projets AF régionaux engloberont une dynamique agricole indéniable (drainages, chemins, irrigations, etc.), des enjeux environnementaux clairs et cohérents au vu de leur relation étroite avec les paiements directs, ainsi que des infrastructures d’accueil pour la population sous la forme par exemple de réseaux de mobilité douce.
La forme que prendront ces différentes entreprises AF ne sera sans doute fondamentalement pas différente de celle des entreprises actuelles et dépendra toujours de la mobilisation des femmes et des hommes qui s’impliqueront dans ces projets. Par contre, le temps à disposition pour prendre conscience des changements environnementaux, se mobiliser, planifier et investir sera beaucoup plus court. L’administration se doit donc impérativement de simplifier et raccourcir ses procédures pour offrir un accompagnement efficient.
La politique agricole 2022 élargit la notion d’infrastructure de base dans l’espace rural. Si aujourd’hui les AF soutiennent, entre autres, les chemins ruraux, les infrastructures d’approvisionnement en eau et électricité, demain elles soutiendront peut être le transport de données digitales. En effet, la digitalisation, qui est déjà en marche, nécessite des réseaux à large bande et ouvre de nouvelles perspectives par exemple en matière de différenciation des produits ou d’utilisation efficiente des ressources. Puisse les améliorations foncières contribuer à ce nouveau développement de l’espace rural.